La mère suffisamment bonne

La Bonne MèreLa bonne mère, Mathilda di Matteo, éditions l’Iconoclaste, 20,90 euros

La bonne mère n’est pas seulement une basilique, c’est aussi Véro, la mère de Clara, 25 ans, marseillaise jusqu’au bout des ongles, gouailleuse ne mâchant pas ses mots, pourvue des accessoires de la cagole pur jus, bronzage intégral, pantalons léopard, vêtements voyant et colorés. Depuis que Clara est partie à Paris faire un doctorat et en parallèle donner des cours à Sciences po, le clivage avec l’univers de son enfance est flagrant , elle est devenue une transfuge de classe. Surtout quand elle ramène son petit ami, Raphaël, immédiatement surnommé “le girafon” par sa mère, qui vient d”une famille BCBG catholique et rigoriste. Les deux mondes se percutent de plein fouet, pour le plus grand bonheur du lecteur.

Véronique et Clara sont alternativement les deux narratrices de ce livre truculent et inattendu, toujours drôle tout en évoquant des sujets parfois graves, comme l’emprise ou les violences conjugales. Les personnages hauts en couleur sont très attachants et on termine le livre sur une note de tendresse au-delà de la drôlerie. C’est une joie de lire “la Bonne mère” , premier roman dans une rentrée littéraire parfois morne, voilà un livre réjouissant et jamais manichéen. Une belle découverte!

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Cet autre Finistère

Finistère, Anne Berest, éditions Albin Michel, 23.90 Euros, à paraître le 20 Août

On avait beaucoup aimé “la carte postale” qui retraçait la vie de la branche maternelle familiale de l’auteur . Avec “Finistère”, elle s’attaque à l’exploration de sa branche paternelle, à travers son arrière-grand-père, Eugène, son grand-père Eugène et enfin son père, Pierre. Quand elle entame son récit en 2021, alors qu’elle vit le tourbillon du succès de son livre “la Carte postale”, Pierre apprend qu’il a de gros problèmes de santé. Elle passe alors du temps à l’interroger et il souhaite lui raconter une période de jeunesse sur laquelle il ne s’était pas encore exprimé, quand il était militant communiste et qu’il rencontre sa mère, militante féministe.

“Finistère” porte bien son nom : rude, dans une tonalité douce-amère, comme l’est sa relation à son père. Elle découvre des facettes inconnues de ce père scientifique et exigeant, qui a élevé ses filles dans des valeurs féministes, souhaitant qu’elles se débrouillent seules et soient indépendantes. A plusieurs reprise, l’auteur déplore l’éloignement qui caractérise leur relation.

Voici le portrait tout en nuances d’un père qui ressemble à un roc breton, avare de ses sentiments. Cette pudeur, qui empêche la relation à sa fille de s’épanouir totalement, est finalement due au socle de leur relations initiales et découle de la lignée paternelle elle-même. Un roman bouleversant qui revient aux sources de toute relation parents/ enfants.

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Une pépite enfin en format poche

Des gens comme il faut,  Florence Chataignier, collection Pocket, 8,40 euros

Fleur et Nine grandissent dans une famille bourgeoise d’apparence parfaite, messe tous les dimanches, apprentissage précoce des bonnes manières, vacances d’été sur la côte Basque chaque année avec la famille et les amis. Mais à la mort de son père, quand Fleur, quadragénaire, entreprend de trier les papiers familiaux dans sa cave, c’est une toute autre image qui se dessine…

A travers ces lettres et ces photos, Jean, son père, apparaît comme un personnage haut en couleurs mais pétri d’ambivalences, injuste envers ses filles (l’aînée, Nine, portée aux nues, la cadette, Fleur, dénigrée), belliqueux avec ses amis et épuisant pour sa femme. Le couple n’est pas heureux, leur histoire est “celle d’un tétraplégique qui demande à une aveugle de le ramener sur le rivage”. En se penchant sur son passé dans l’intimité suintante de la cave, Fleur révèle peu à peu les zones d’ombres de Jean et les ressorts biaisés de sa relation avec sa femme et ses filles.

“Des gens comme il faut” est un roman d’une grande délicatesse, décrivant une famille singulière, fondée sur un leurre, ce qui la rend touchante, et porté par le regard poétique et bienveillant de Florence Chataignier. Une belle découverte.

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I have a dream

Promesse, Rachel Eliza Griffiths, éditions Gallimard, 24 euros

1957. La famille Kindred et la famille Junkett sont les deux seules familles noires de Salt Point dans le Maine, et ils se serrent les coudes. Caesar et Irène Junkett ont quatre enfants, Ernest, Lindy et les jumeaux Rosemary et Empire.  La famille Kindred est composée de Lena et Jeremiah et de leurs deux filles , l’ainée Ezra et la cadette Cinthy. La meilleur amie d’Ezra est Ruby, une fille blanche et pauvre qui rêve de devenir aviatrice. Mais la puberté s’annonce, et les filles sentent que le regard des hommes sur elles change.

Elles sentent aussi grandir l’acrimonie de leur mère vis à vis de la sienne, qu’elle juge incapable d’être une vraie grand-mère pour ses enfants. Alors que leur mère développe les symptômes d’une maladie grave, leur institutrice Miss Burden, , est retrouvée morte noyée. Tandis que des échos de la révolte des noirs parviennent jusqu’à eux, l’ambiance du village se tend, et les deux familles ne semblent plus les bienvenues.

Un livre poignant et déchirant, écrit avec poésie et qui évite les écueils du manichéisme. On se prend d’affection pour la jeune Cinthy et on a du mal à refermer ce livre qui nous émeut.

 

 

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Un roman passionnant enfin en format poche

La branche tordue,  Jeanine Cummins, collection 10/18, 9,90 euros

Majella vient de donner naissance à son premier enfant, la petite Emma. Ayant quitté le centre de New York pour le quartier de son enfance du Queens après avoir racheté la maison de ses parents, partis en Floride, elle a du mal à trouver ses repères dans cette vie de jeune maman. Epuisée et à fleur de peau, elle consulte une psychologue car elle croit entendre des crissements dans le grenier et doute de sa santé mentale.

C’est alors qu’elle y découvre le carnet d’une de ses ancêtres, Ginny Doyle, qui connut la grande famine en Irlande en 1848 et dut abandonner ses enfants pour travailler et subvenir à leurs besoins. Majella s’interroge sur son héritage familial : existe-t-il dans sa généalogie une “branche tordue” qui ferait des femmes de sa lignée de mauvaises mères?

Jeanine Cummins mêle deux histoires, celle, poignante, de Ginny Doyle qui se bat pour survivre et sauver ses enfants de la famine, et celle de Majella qui essaie de nouer le lien avec son enfant et trouver sa place de femme et de mère. Ainsi elle nous offre un récit à deux voix où surgissent d’étranges résonnances, à la fois fresque historique et roman d’une lignée de femmes qui explore le lien viscéral qui lie les mères à leurs enfants. Passionnant.

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Connait-on réellement son enfant ?

Le goût des secrets, Jodi Picoult et Jennifer F. Boylan, éditions Actes Sud, 23,80 euros

Olivia Mcafee fuit son mari violent pour s’installer avec son fils Asher à Adams, dans le New Hampshire, où elle reprend les ruches de son père. Au même moment, Lily et sa mère déménagent elles aussi pour Adams. Quand Lily et Asher se rencontrent, c’est le coup de foudre : Cette fille plutôt discrète fait fondre Asher, alors qu’elle se sent en confiance avec lui. Mais quand Lily est retrouvée morte au pied de son escalier, c’est une tout autre histoire qui se joue.

Olivia est convaincue que son fils est innocent et embauche son propre frère, un ténor du barreau, pour le défendre. L’enquête se complique lorsqu’on se rend compte qu’Asher dissimulait certaines choses et Olivia ne peut s’empêcher de voir en lui  l’héritage violent de son père.

Les deux autrices nous offrent un imposant roman à clefs porté par des rebondissements inédits. Elles posent la question de l’acceptation de la différence, de l’amitié et de la trahison , et nous livrent une histoire captivante et émouvante au suspense dévorant.

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Quand les lieux ont une mémoire

Retour à Lake Grove, J. Courtney Sullivan, éditions les Escales, 23 euros

2015. Jane, archiviste à Harvard, revient dans le Maine suite au décès de sa mère. Elle s’installe dans la maison maternelle, qu’elle et sa soeur Holly comptent mettre en vente rapidement. Mais Jane, discrète sur sa vie personnelle, est à bout de force : elle vient de rompre avec son petit ami, David, et traverse une passe difficile au travail, où elle a été suspendue. Sa dépendance à l’alcool, un atavisme familial qu’elle refuse de reconnaître, pourrait bien avoir un lien avec cet enchaînement de problèmes.

C’est alors qu’elle rencontre Geneviève, la nouvelle propriétaire d’une villa victorienne qui la fascinait à l’adolescence et qu’elle n’a jamais oubliée. Celle-ci, convaincue que la maison est hantée, va charger Jane de faire des recherches dans les archives locales sur les différents propriétaires. Et ce que Jane va découvrir va bouleverser sa propre histoire.

Un roman captivant qui explore les mystères des liens transgénérationnels et la mémoire des lieux, tout en reliant l’histoire des Etats-Unis à l’histoire personnelle de Jane dans une symphonie maîtrisée. Comme à son habitude, J. Courtney Sullivan se révèle une fine psychologue de l’âme féminine qu’elle décrit avec une grande délicatesse, et nous offre un roman passionnant et empli d’humanité.

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Il était une fois Whisperwood

Retrouve-moi à Whisperwood, Patti Callahan Henry, éditions Fleuve, 22,90 euros

Londres, 1939. Après le départ de leur père pour la guerre, c’est maintenant au tour de Flora, 5 ans et sa soeur Hazel, 14 ans, de quitter la capitale selon un ordre d’évacuation envoyé par le gouvernement. Elles se retrouvent en campagne, chez Mme Aberdeen et son fils Harry, où leur mère vient leur rendre visite quand elle le peut. Pour tenter de rassurer sa soeur et d’oublier les horreurs de la guerre, Hazel invente un monde imaginaire où elles se retrouvent : Whisperwood. Mais un jour Flora, laissée seule au bord du fleuve, croit voir la rivière enchantée de Whisperwood et disparaît.

1960. Hazel travaille chez Hogan, une librairie de livres rares et anciens dans le quartier de Bloomsbury, quand elle reçoit un manuscrit illustré intitulé “Whisperwood et la rivière d’étoiles”, d’une certaine Peggy Andrews. Comment quelqu’un peut avoir connaissance de ce monde qu’elle ne partageait qu’avec sa soeur? L’auteur serait-elle Flora elle-même? Hazel se lance alors dans une folle enquête.

“Retrouve-moi à Whisperwood” a le charme d’une fable enchantée dont les thèmes sont la sororité, le mystère et le pouvoir de l’imaginaire. On se laisse entraîner, comme dans un conte classique, par la magie du “il était une fois” et on se prend au jeu. Une histoire qui saura envoûter les adultes comme les adolescents.

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Destinées irlandaises

La vie est une chose étrange, Donal Ryan, éditions Albin Michel, 20,90 euros

Irlande, 1973. Kit et Paddy Gladney vivent et travaillent sur les terres de la famille Jackman et y coulent des jours paisibles. Jusqu’au jour où leur fille, Moll, 20 ans, disparaît. On l’a bien vu monter dans le bus pour Dublin avec sa valise, mais depuis, plus une trace. Avait-elle des ennuis? Etait-elle enceinte? Ses parents et son entourage se perdent en conjectures.

Quand Moll réapparaît 5 ans plus tard, alors que tout espoir semblait perdu, elle raconte s’être enfuie à Londres sans donner pour autant les raisons de son départ, restant une énigme pour ses parents eux-mêmes. Mais une semaine après son retour, un grand homme noir la recherche dans le village, semant le trouble dans la petite communauté de Nenagh.

Donal Ryan décrit admirablement le peuple rural irlandais des années 70 avec sa foi chevillée au corps et sa méfiance envers l’étranger. Il explore aussi les méandres de l’âme humaine et la complexité des relations entre les êtres avec justesse et dépeint d’une plume sensible les atermoiements et les contradictions de ses personnages. Un livre plein de pudeur et de retenue qui relate avec délicatesse des destinées ordinaires qui résonnent en nous.

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Le chant des sirènes

Les sirènes, Emilia Hart, éditions Les Escales, 23 euros

Nouvelle-Galles du Sud, Février 2019. Lucy, 19 ans, fuit les problèmes qu’elle rencontre à l’université pour rejoindre sa soeur Jess. Mais lorsqu’elle arrive dans la propriété de celle-ci, perchée sur une falaise en bord de mer dans un lieu appelé “Comber Bay”, la maison est ouverte mais vide et délabrée. Après sa rencontre avec Melody, une commerçante amie de Jess, Lucy apprend que celle-ci est partie souffler un peu avant la grande exposition consacrée à ses oeuvres.

Dans la maison, Lucy découvre ses peintures, peuplées de femmes dont la peau translucide évoque des écailles de poisson qui lui rappellent des rêves récurrents  l’accompagnant depuis quelques jours.  Elle se renseigne sur les lieux et découvre que plusieurs hommes y ont disparu dans des circonstances mystérieuses ; elle trouve aussi le journal intime d’adolescence de sa soeur, qui va révéler bien des secrets.

Envoûtée par les lieux et ses rêves étranges, Lucy croit entendre les voix des naufragées d’autrefois, et notamment celles de deux soeurs. “Les sirènes” est un roman qui, à travers les thèmes des secrets de famille et de la condition féminine, nous entraîne dans un univers onirique et fascinant qui confine au fantastique. On avait déjà aimé le premier roman d’Emilia Hart, “la maison des sortilèges” (Pocket), on plonge avec délice dans ce second récit captivant et magique.

 

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