Le poison de l’immortalité

La vie infinieLa vie infinie, Jennifer Richard, éditions Philippe Rey, 19 euros

Céline et Adrien forment un couple de quadragénaires épanouis. Lui, créateur de startups numériques, travaille à un programme qui offrirait un avenir dématérialisé visant l’immortalité. Elle est réalisatrice de documentaires et a abandonné ses idéaux de jeunesse pour un mode de vie capitaliste. Ils sont riches, passionnés par leurs carrières et ultra-connectés. Leur fille de 10 ans, Zoé, ne supporte pas le contact physique et n’a que des amis virtuels.

Quand Pierre, un ami de lycée, resurgit dans la vie de Céline, il ébranle ses certitudes par son mode de vie authentique et ses idées humanistes. Entre la vie infinie et la vie réelle, entre le créateur d’éternité et le défenseur du monde libre, Céline devra faire un choix.

Jennifer Richard met ses personnages face au dilemme de vivre la vie réelle “en présentiel” ou de se projeter dans une vie augmentée qui n’aurait pas de fin. Elle nous livre une réflexion philosophique brillante dans un roman fin et sensible qui incarne les grandes questions contemporaines ( maintien du lien social, fin de vie) face aux avancées technologiques. Une fable moderne et mélancolique, au ton parfois ironique, sur nos vies de plus en plus dématérialisées, avec l’option d’une vie “infinie” à l’horizon.

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La cordillère des résiliences

Traverser les montagnes, et venir naître iciTraverser les montagnes, et venir naître ici, Marie Pavlenko, éditions les Escales, 21 euros

Astrid, 37 ans, a vécu un drame personnel et décide de tout quitter pour aller vivre dans un village du Mercantour, où elle a acheté une maison sans l’avoir vue. Elle atterrit dans un hameau isolé, impraticable en hiver, peuplé de quelques âmes solitaires.

Soraya, 16 ans, a fui la Syrie en guerre et traversé les montagnes avec sa tante afin de rejoindre la frontière française en évitant la police. Elle abrite dans son ventre une vie qu’elle n’a pas choisie.

Lorsqu’Astrid trouve Soraya, épuisée et prête à accoucher, au milieu de la montagne enneigée, elle décide de la recueillir chez elle. Aidée de sa voisine, Ida, céramiste, elle s’emploie à remettre d’aplomb la jeune fille. Tout va alors changer pour ces deux femmes blessées : tout doucement, elles vont s’apprivoiser et tenter de panser leurs plaies ensemble.

Marie Pavlenko décrit admirablement la détresse de ces deux femmes confrontées au pire et aborde des sujets actuels comme l’accueil des migrants, en évitant toute sensiblerie. Elle nous émeut avec ce roman simple et poignant, plein d’humanité, ponctué de références poétiques et qui se lit d’une traite. Bouleversant.

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Dans la jungle des sentiments

Tous les ebooks de Colin Niel en MP3 et EPUB et PDFWallace, Colin Niel, éditions le Rouergue, 21,80 euros

Mathurine, la quarantaine, mère célibataire d’un garçon de 9 ans, Wallace, est éducatrice pour l’aide sociale à l’enfance. Ils vivent en Guyane, aux portes de la forêt amazonienne, dans laquelle Mathurine aime s’aventurer pour se ressourcer au contact de la nature sauvage. Bouleversée par la mort de Méryane, une jeune fille placée en famille d’accueil, qui fait resurgir une disparition plus ancienne, Mathurine reçoit son père, Tiburce, qui lui confie avoir vécu une expérience étrange en forêt. Aurait-il aperçu le “Maskilili”, créature légendaire aux pieds inversés qui hante la jungle amazonienne?

Intriguée, Mathurine se perd en conjectures alors que son propre fils lui échappe et s’évade dans d’interminables parties de jeux vidéos sur sa console. Elle se laisse alors happer par sa fascination pour la forêt et ses zones d’ombres.

On plonge dans ce roman aussi magique qu’inquiétant. Colin Niel nous fait découvrir une nature luxuriante et onirique, où la frontière entre rêve et réalité s’estompe, et semble nous guider sur les chemins tortueux de la parentalité à travers les liens mère/fils et père/fille, représentés par Mathurine et Wallace ainsi que Tiburce et Méryane. Il nous offre un roman foisonnant, jamais manichéen et tout en nuances.

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Des romans d’apprentissage émouvants

Mon petit : Finaliste du prix Les Inrockuptibles 2023Mon petit, Nadège Erika, éditions Harper Collins, 7,70 euros

Début des années 90. Naëlle, bientôt 10 ans, et ses frères et soeurs, naviguent entre deux foyers : l’appartement de Grand-maman dans une cité H.L.M de Belleville et celui de leur mère, Jeanne, infirmière et bohème, Porte de Montreuil. Chez Grand-maman, on porte jupe-culotte, cols Claudine et on se tient correctement ; chez Jeanne, on traîne en baskets et survêtement en chantant du Jackson Five, on fait des soirées Banania-biscottes, parfois à la lueur des bougies si les huissiers sont passés.

En grandissant, Naëlle se pose de plus en plus de questions : Pourquoi vit-elle en partie chez sa grand-mère? Pourquoi n’a-t-elle pas de père? Bientôt Grand-maman doit quitter Belleville, Naëlle ne retourne pas en classe et rencontre le beau Gustave, et voilà qu’à 19 ans, elle attend un enfant.

Nadège Erika nous décrit un quartier et une enfance atypique dans un texte original et enrobé de nostalgie. Un livre court et percutant qui va droit au coeur, une belle découverte!

 

Découvrez American boys, le livre de Khashayar J. Khabushani chez DenoëlAmerican Boys, Khashayar J.Khabushani, éditions Denoël, 22 euros

En Californie, K. partage un lit superposé à trois niveaux dans une chambre exigüe avec ses deux frères ainés, Justin et Shawn. Leur père, Baba, ingénieur de formation, a perdu son travail lorsqu’ils ont quitté l’Iran pour les Etats-Unis, et leur mère travaille en tant qu’aide-soignante à l’hôpital tout en suivant des cours du soir pour évoluer.

K. passe tout son temps avec son ami Johnny et rêve de devenir un “vrai” américain, comme lui. Mais bientôt la violence éclate au sein du foyer et leur père décide de les rapatrier en Iran… Quand ils reviennent aux Etats-Unis quelques mois plus tard, le 11 Septembre est passé et le visage du pays a changé.

L’auteur nous offre un texte sobre et sensible qui évoque la découverte de la sensualité et du désir ainsi que la construction de l’identité masculine entre deux cultures. Un roman d’apprentissage tout en délicatesse.

 

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Un conte nordique fascinant

Celui qui a vu la forêt grandir - 1Celui qui a vu la forêt grandir, Lina Nordquist, éditions 10/18, 9,20 euros

1973. Le patriarche, Roar, vient de mourir en laissant deux veuves, sa femme Bricken et sa belle-fille, Kara, se mesurer dans la maison familiale appelée “la Paix”. Elles se supportent déjà depuis plus de vingt ans, entre aléas du quotidien et secrets de famille enfouis.

1897.  La belle Unni quitte la Norvège avec son fils Roar et son compagnon Armod pour gagner la Suède où elle s’installe dans la province du Hälsingland, dans une maison abandonnée au coeur de la forêt, qu’ils vont peu à peu acheter et aménager. La nature y est belle mais cruelle et ils devront se battre pour survivre sur cette terre hostile.

Dans une langue âpre et un style pur et dépouillé, Lina Nordquist nous offre un conte nordique enchanté, peuplé d’animaux totems et de légendes, autant que l’histoire d’une famille qui s’implante au coeur d’une nature sauvage en bravant les éléments. Voici le roman fascinant d’Unni et de sa lignée, soumise aux élans de la passion, par-delà la morale.

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Un roman noir envoûtant

Il ne se passe jamais rien ici - 1Il ne se passe jamais rien ici, Olivier Adam, éditions Flammarion, 22 euros

Antoine est un être cabossé par la vie. Après avoir cumulé les petits boulots, il bosse à ses heures perdues pour son pote Alex, brocanteur, et vit sous les combles de la maison familiale que ses parents lui louent pour un loyer symbolique. Séparé de Marlène, la mère de son fils, il ne voit Nino que de temps en temps, faute de logement adapté.

Au village où il vit, tout près du lac d’Annecy, il passe ses soirées au Café des Sports, où il retrouve Fanny, son amour de jeunesse avec qui le lien est toujours aussi fort. Fanny, dont la beauté fait tourner les têtes des garçons du village. Fanny, que l’on retrouve, un matin d’automne, morte sur les rives du lac, assassinée. La veille, elle a fait la fête au Café des Sports et Antoine l’a raccompagnée chez elle. Il est la dernière personne à avoir été vu avec elle…

A partir de ce canevas simple propre au roman policier, Olivier Adam nous offre un roman choral savamment orchestré dans lequel chaque personnage de cette petite communauté s’exprime tour à tour. Autour d’Antoine, figure du looser sympathique, gravitent les membres de sa famille proche (son frère, l’arrogant Benoît, sa soeur la discrète Claire), ses amis, les habitués du Café des Sports ainsi que les policiers chargés de l’enquête. A travers le prisme de l’enquête, Olivier Adam revisite des thèmes qui lui sont chers, notamment celui de la famille et de la place que chacun y occupe, mais aussi celui du lien social et de ses failles. Il peint le portrait d’un village qui est comme le miroir d’une certaine France dans un roman sensible et plein d’humanité.

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Au-delà des apparences

Des gens comme il faut - Livre d'occasion de Florence ChataignierDes gens comme il faut, Florence Chataignier, éditions le Cherche midi, 20,90 euros

Fleur et Nine grandissent dans une famille bourgeoise d’apparence parfaite, messe tous les dimanches, apprentissage précoce des bonnes manières, vacances d’été sur la côte Basque chaque année avec la famille et les amis. Mais à la mort de son père, quand Fleur, quadragénaire, entreprend de trier les papiers familiaux dans sa cave, c’est une toute autre image qui se dessine…

A travers ces lettres et ces photos, Jean, son père, apparaît comme un personnage haut en couleurs mais pétri d’ambivalences, injuste envers ses filles (l’aînée, Nine, portée aux nues, la cadette, Fleur, dénigrée), belliqueux avec ses amis et épuisant pour sa femme. Le couple n’est pas heureux, leur histoire est “celle d’un tétraplégique qui demande à une aveugle de le ramener sur le rivage”. En se penchant sur son passé dans l’intimité suintante de la cave, Fleur révèle peu à peu les zones d’ombres de Jean et les ressorts biaisés de sa relation avec sa femme et ses filles.

“Des gens comme il faut” est un roman d’une grande délicatesse, décrivant une famille singulière, fondée sur un leurre, ce qui la rend touchante, et porté par le regard poétique et bienveillant de Florence Chataignier. Une belle découverte.

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La branche tordueLa branche tordue, Jeanine Cummins, éditions Philippe Rey, 24,50 euros

Majella vient de donner naissance à son premier enfant, la petite Emma. Ayant quitté le centre de New York pour le quartier de son enfance du Queens après avoir racheté la maison de ses parents, partis en Floride, elle a du mal à trouver ses repères dans cette vie de jeune maman. Epuisée et à fleur de peau, elle consulte une psychologue car elle croit entendre des crissements dans le grenier et doute de sa santé mentale.

C’est alors qu’elle y découvre le carnet d’une de ses ancêtres, Ginny Doyle, qui connut la grande famine en Irlande en 1848 et dut abandonner ses enfants pour travailler et subvenir à leurs besoins. Majella s’interroge sur son héritage familial : existe-t-il dans sa généalogie une “branche tordue” qui ferait des femmes de sa lignée de mauvaises mères?

Jeanine Cummins mêle deux histoires, celle, poignante, de Ginny Doyle qui se bat pour survivre et sauver ses enfants de la famine, et celle de Majella qui essaie de nouer le lien avec son enfant et trouver sa place de femme et de mère. Ainsi elle nous offre un récit à deux voix où surgissent d’étranges résonnances, à la fois fresque historique et roman d’une lignée de femmes qui explore le lien viscéral qui lie les mères à leurs enfants. Passionnant.

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L’heure des femmes, Adèle Bréau, Le Livre de Poche, 9,20 euros

A travers la figure de sa célèbre aïeule, Ménie Gregoire, celle qui donna la parole aux femmes dans son émission de radio sur RTL, l’autrice Adèle Bréau revisite les flamboyantes années de libération que furent les années 70.

Roman choral, le récit mêle les voix de plusieurs femmes, tout d’abord Ménie Grégoire qui entame, à 50 ans, sa carrière de “dame de coeur” qui saura écouter les femmes et tâcher de leur répondre, ensuite Mireille et Suzanne, des auditrices qui sont au coeur des dilemmes de l’époque, entre maternités à répétition et choix de l’avortement, puis Esther, documentariste en 2021, qui se lance dans l’aventure d’écrire un livre sur Ménie Grégoire.

Il est question ici de féminisme, de sororité, d’indépendance, mais aussi d’écoute et de prise en compte de la parole des femmes. L’incroyable succès de l’émission de Ménie la propulsera dans un véritable tourbillon, entre lettres d’encouragement et messages de haine, et fera peut-être vaciller l”équilibre de son quotidien.

Ce récit polyphonique et bien mené nous plonge dans l’effervescence d’une époque pas si lointaine, où les femmes n’avaient souvent pas voix au chapitre mais oeuvraient pour conquérir leurs droits.

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Un pays formidable, Shilpi Somaya Gowda, éditions Mercure de France, 23 euros

Juste après leur mariage en Inde, Ashok et Priya ont émigré aux Etats-Unis il y a vingt ans. Ils s’y sont construit une vie : suite à de brillantes études, Ashok a monté sa petite entreprise d’informatique dans laquelle Priya s’occupe de la comptabilité et ils ont eu trois enfants, Deepa, Maya et Ajay. Après des années dans le même quartier familial d’Irvine, ils viennent de s’installer dans un endroit plus huppé, sur les hauteurs de la ville, nommé Pacific Hills.

Ils pensent avoir trouvé leur place dans la société américaine jusqu’au jour où Ajay, leur fils de 12 ans, commet une imprudence aux abords de l’aéroport et se retrouve en garde à vue. La machine juridique et médiatique se met alors en marche, entraînant Priya et Ashok dans un engrenage implacable. Leurs origines se rappellent à eux et tout ce qu’ils pensaient avoir construit pèse peu dans la balance face à leur couleur de peau et leurs noms à consonnance étrangère; aux yeux de la justice et de la police, ils deviennent des suspects.

Prise dans la tourmente, la famille va devoir rassembler ses forces tandis que les vrais visages des uns et des autres se révèlent. Shilpi Somaya Gowda nous offre un roman subtil et intelligent qui traite de l’assimilation possible ou utopique des émigrés dans la population américaine, à travers des personnages d’une grande profondeur.

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