Le Désir dans la cage – Alissa WENZ – Mot-à-MotsLe désir dans la cage, Alissa Wenz, éditions Les Avrils, 22 euros

1865. La petite Mélanie, 7 ans, découvre le piano et se prend de passion pour l’instrument. Ses parents l’encouragent, elle prend des cours au Conservatoire, où elle côtoie de futurs grands musiciens comme Debussy ou Satie. Elle se met à créer ses propres compositions sous le nom de Mel Bonis, aux consonnances masculines, et rencontre Amédée-Louis Hettich, qui devient vite son binôme : Il écrit les paroles, elle compose la mélodie. Entre eux le charme opère et ils créent à quatre mains.

Mais les parents de Mélanie ne voient pas d’un bon oeil la relation avec ce jeune homme désargenté et arrangent bientôt le mariage de Mel avec Albert Domange, un riche industriel plus âgé qu’elle qui a déjà cinq enfants de précédentes unions. Mel se coule dans le moule d’une vie bourgeoise et accueille bientôt son premier enfant, délaissant son piano pendant de nombreuses années.

Quand Amédée-Louis revient à Paris avec sa femme musicienne,  Mel se débrouille pour le revoir et ils reprennent leur collaboration fructueuse. Alissa Wenz met en lumière cette compositrice aujourd’hui peu connue et écrit admirablement sa vie romanesque. Elle libère Mel Bonis de l’oubli et campe une héroïne moderne qui ne veut renoncer à rien malgré les souffrances et dont on suit le destin avec passion.

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Ces failles qui nous éclairent

Amazon.fr - Par où entre la lumière - Maynard, Joyce, Lévy-Paoloni, Florence - LivresPar où entre la lumière, Joyce Maynard, éditions Philippe Rey, 25 euros

On retrouve avec bonheur les personnages d’un de ses précédents romans, “Où vivaient les gens heureux”, même si les deux peuvent se lire séparément. Eleanor revient dans la maison du New Hampshire où elle a vécu avec Cam, son ex-mari, et leurs trois enfants 25 ans auparavant, cette maison qui a abrité leur bonheur et sa déliquescence après le drame qui a frappé leur fils Toby, souffrant de lésions cérébrales irréversibles.

Eleanor vit avec lui tout en continuant son travail d’illustratrice alors que Toby s’occupe des chèvres et vend ses fromages sur les marchés. Quand son ex-mari Cam tombe malade, Eleanor l’installe dans sa maison pour le soigner et l’accompagner jusqu’au bout. Elle voit rarement ses deux autres enfants, Al établi à Seattle et qui peine à avoir un enfant avec sa compagne et Ursula qui est brouillée avec elle sans qu’Eleanor comprenne réellement pourquoi.

Mais Eleanor, toute dévouée à sa famille, parviendra-t-elle à arrêter de ne penser qu’aux autres et s’accomplir en tant que femme indépendante? Courant de 2010 jusqu’à nos jours en s’inscrivant dans l’histoire américaine contemporaine, le roman de Joyce Maynard met en scène des personnages attachants dont les failles nous émeuvent. Un bon roman réconfortant et d’une grande justesse.

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Les Eléments par BoyneLes éléments , John Boyne, JC Lattès, 23,90 euros

Quatre éléments, quatre personnages, tous confrontés aux violences et agressions sexuelles, qu’ils soient victimes, bourreaux ou témoins. Vanessa Carvin change de nom et fuit Dublin pour une île perdue d’Irlande ; Evan, jeune footballeur prometteur, se retrouve accusé au tribunal; Freya, chirurgienne spécialiste des grands brûlés, n’a jamais oublié un épisode traumatisant de son passé ; Aaron prend l’avion avec son fils à qui il va confier un drame secret.

John Boyne entrelace ces quatre destins en un canevas délicat et impressionniste dans un récit choral qui nous enchante et suscite la réflexion . Ces quatre histoires ont d’abord été publiées une par une dans sa langue d’origine puis réunies en un roman où les chapitres se répondent comme un écho et forment une intrigue captivante. Un roman dense et parfaitement maîtrisé.

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Un roman magistral en poche

La vie qui reste, Roberta Recchia, collection J’ai lu, 8,90 euros

 

Années 50. Marisa, 18 ans, est folle amoureuse de Fransesco, le bourreau des coeurs. Mais lorsqu’elle tombe enceinte, tout change : il lui avoue avoir une autre amoureuse en Suisse et ne pas souhaiter d’enfant. Marisa veut garder son bébé, ses parents, commerçants, préserver leur honneur. Un compromis est trouvé en la personne de Stelvio Ansaldo, qui finit par épouser Marisa et lui donner deux enfants, Ettore et Elisabetta.

Ainsi commence la vie d’avant, avant Août 1980 et le viol et le meurtre d’Elisabetta, leur fille de 16 ans. L’objet du livre de Roberta Recchia, c’est bien la vie qui reste pour l’entourage de Betta après ce drame, et comment ceux qui restent vont vivre cette épreuve, à commencer par ses parents, Marisa et Stelvio, son frère Ettore, sa cousine Miriam, qui était avec elle au moment de l’agression, sa grand-mère Letizia, son oncle Emanuele et sa tante Emma, les parents de Miriam. A force de silence, Miriam s’enfonce peu à peu dans un profond mal-être, jusqu’à sa rencontre avec Léo qui va tenter de la sauver.

Ce roman magistral, peuplé de personnage attachants, nous raconte l’histoire d’une famille face à l’horreur et célèbre la force de l’amour dans l’adversité. Passionnant.

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Un amour sombre

La nuit au coeur, Natacha Appanah, Gallimard, 21 euros

Natacha Appanah s’empare du sujet des féminicides à travers trois histoires de femmes dont elle est la seule survivante, la seule à pouvoir le raconter. Elle se projette dans les histoires d’Emma, cousine mauricienne qu’à l’aube son mari a poursuivie en voiture jusqu’à l’écraser et celle de Chahinez, que son ex-mari a immolé dans la rue.

L’auteur se retourne alors sur sa vie et plonge dans les années d’emprise qu’elle a vécu avec son premier amour, HC, un journaliste et poète de 30 ans son aîné. Celui-ci a une présence hypnotique mais l’éloigne peu à peu de sa famille et de ses amis, lui imposant bientôt un face à face mortifère. Et c’est à son tour de courir dans la rue en cherchant à échapper à l’homme qu’elle dit aimer.

Natacha Appanah explore la relation amoureuse toxique en plongeant dans son passé de toute jeune fille (18 ans) et les reliant à ces deux autres histoires parallèles, ranimant le souvenir de ces deux autres femmes qui eurent une fin tragique. Un livre courageux et saisissant dont on ne sort pas indemne, déjà sélectionné dans plusieurs listes de prix littéraires, dont le Goncourt.

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Trois coups de coeur en format poche pour l’automne

 

Traverser les montagnes et venir naître ici, Marie Pavlenko, éditions Pocket, 9 euros

Astrid, 37 ans, a vécu un drame personnel et décide de tout quitter pour aller vivre dans un village du Mercantour, où elle a acheté une maison sans l’avoir vue. Elle atterrit dans un hameau isolé, impraticable en hiver, peuplé de quelques âmes solitaires.

Soraya, 16 ans, a fui la Syrie en guerre et traversé les montagnes avec sa tante afin de rejoindre la frontière française en évitant la police. Elle abrite dans son ventre une vie qu’elle n’a pas choisie.

Lorsqu’Astrid trouve Soraya, épuisée et prête à accoucher, au milieu de la montagne enneigée, elle décide de la recueillir chez elle. Aidée de sa voisine, Ida, céramiste, elle s’emploie à remettre d’aplomb la jeune fille. Tout va alors changer pour ces deux femmes blessées : tout doucement, elles vont s’apprivoiser et tenter de panser leurs plaies ensemble.

Marie Pavlenko décrit admirablement la détresse de ces deux femmes confrontées au pire et aborde des sujets actuels comme l’accueil des migrants, en évitant toute sensiblerie. Elle nous émeut avec ce roman simple et poignant, plein d’humanité, ponctué de références poétiques et qui se lit d’une traite. Bouleversant.

 

 

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Plus grands que le monde, Meredith Hall, Le livre de poche

Début des années 30. Tup est étudiant en ingénierie grâce à son père, exploitant d’une ferme laitière dans le Maine, qui tient à ce que son fils fasse des études. Lorsqu’il se marie avec Doris, en 1933, il a encore 2 ans d’études à faire, puis elle pourra commencer les siennes pour devenir enseignante. Mais la réalité vient contrecarrer leurs plans quand le père de Tup décède brutalement : celui-ci, faisant valoir son droit d’aînesse, va reprendre la ferme alors que ses deux frères se partagent l’argent qui reste.

Ainsi, ce printemps-là, Doris et Tup se retrouvent propriétaires d’une ferme laitière sans aucune main d’oeuvre, et un bébé à venir. La vie est difficile, mais Tup et Doris s’aiment et travaillent dur, appréciant une vie simple et proche de la nature auprès de leurs trois enfants, Sonny, Dodie et Beston. Jusqu’à ce qu’un drame obscurcisse leur ciel si limpide…

Dans ce roman choral, Meredit Hall donne la parole à Doris, Tup et Dodie qui expriment tour à tour leurs émotions quotidiennes. Face au deuil, chacun emprunte un chemin personnel, avec ses réactions viscérales, ses évitements et un fort sentiment de culpabilité qui menace les fondations familiales. “Plus grands que le monde” est un roman sensible et plein de grâce, dont les personnages nous émeuvent par leur humilité et leur long combat pour renaître. Bouleversant.

 

 

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Les âmes féroces, Marie Vingtras, collection Points, 8,40 euros

Mercy, petite ville paumée des Etats-Unis. Dans la douceur du printemps, le corps d’une adolescente est retrouvé, à moitié immergé, au milieu des iris sauvages. C’est Léo, 17 ans, la fille de Seth, l’ancien garagiste de la commune, jeune fille sage, sans histoires, plutôt réservée. Dans cette petite ville où il ne se passe jamais rien, c’est la stupéfaction.

La nouvelle shérif, Lauren, n’est pas appréciée de tous dans la communauté, peut-être du fait de son orientation sexuelle ; c’est elle qui va prendre en main l’enquête, et c’est aussi la première voix qui nous raconte les faits. Car “les âmes féroces” est un roman choral où quatre personnages vont dérouler leur vérité, en suivant la ronde des saisons : Tout d’abord Lauren, ensuite M. Chapman, le professeur de français de Léo, puis Emmy, sa meilleure amie, et enfin son père, Seth.

A travers ces quatre regards sur l’événement, l’image de Léo se dessine sous plusieurs facettes, comme difractée par un kaléidoscope, et on découvre aussi les noirceurs cachées de l’âme de chacun des narrateurs. Voici un roman envoûtant, dont l’ambiance évoque certains films ou séries américains (on pense notamment à “Twin Peaks”) et qui se lit d’une traite.

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Une histoire captivante en Alaska

Une histoire d’ours, Eowyn Ivey, éditions Gallmeister, 24,90 euros

Birdie, maman solo d’une petite Emaleen, 6 ans, vit dans une cabane sommaire en Alaska au sein d’une petite communauté où tout le monde se connaît. Elle est serveuse dans un bar et doit parfois laisser sa fille seule. Un jour, celle-ci s’égare dans la forêt et revient au bras d’Arthur Nielsen, un homme taiseux et sauvage, à la limite de l’autisme, qui vit dans une cabane éloignée de tout.

Contre toute attente, Birdie tombe amoureuse et va s’installer chez lui dans sa cabane vétuste, sans eau ni électricité, au coeur de la forêt. Birdie a l’impression d’avoir trouvé le mode de vie dont elle rêvait, vivant de pêche et de cueillette, faisant elle-même son feu et retapant la vieille cabane. Ce pourrait être le paradis si Arthur ne disparaissait pas sans prévenir, restant absent parfois quelques jours, sans rien dire de ses escapades. Peu à peu Birdie comprend qu’Arthur cache une face sombre qu’il ne maîtrise pas lui-même. Birdie et Emaleen sont-elles en sécurité avec lui?

“Une histoire d’ours” nous entraîne dans la vie sauvage en Alaska et tous les dangers qu’elle recèle. C’est un conte initiatique, presque onirique, qui peut être déroutant mais aussi plein de poésie et qu’on lit d’une traite avec beaucoup de plaisir.

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Et si nous étions en guerre

L’homme sous l’orage, Gaëlle Nohant, éditions l’Iconoclaste, 21,90 euros

1917. Rosalie, 19 ans, vit avec sa mère Isaure dans un château avec un domaine viticole que sa mère a repris suite aux départs à la guerre de son mari, Roland et de son fils, Achille. Isaure est une femme assez froide avec Rosalie et qui ne s’est jamais vraiment remise du décès de son autre fille, alors bébé.

Un soir d’orage, un homme demande à voir Isaure. Rosalie ne peut s’empêcher de les espionner et comprend que sa mère connaît le vagabond qu’elle appelle par son prénom, Théodore, et que surtout elle refuse catégoriquement de l’accueillir, ce qui ne ressemble pas à sa charité chrétienne habituelle. Quelques heures plus tard, Rosalie repère le rôdeur dans le jardin  et va à sa rencontre pour le mettre à l’abri dans le grenier.

A partir de là, c’est un jeu de dupes qui se met en place. Rosalie prend tous les risques pour protéger Théodore, qui est pourtant un déserteur alors que son père et son frère sont sur le front. C’est un véritable dilemme pour elle. Par ailleurs, elle devient aide soignante à l’hôpital où elle assiste à toutes les atrocités de la guerre.

Gaëlle Nohant nous offre un roman historique d’une facture si juste qu’on le croirait actuel. Elle nous entraîne dans les atermoiements et les arrangements de ses personnages avec une plume d’une grande sensibilité. Un bon roman de rentrée littéraire.

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