D’après un numéro de funambule…

Résultat de recherche d'images pour "livre delphine de vigan d'apres une histoire vraie"D’après une histoire vraie, Delphine de Vigan, éditions JC Lattès, 20 euros

Sidération, c’est l’état dans lequel nous laisse le livre de Delphine de Vigan, l’état dans lequel se trouve son personnage à la fin du récit de cette relation d’emprise remarquablement décrite et comme disséquée au scalpel par la romancière/narratrice. “D’après une histoire vraie” met en scène l’auteur au moment où son lecteur fidèle l’avait laissé, c’est-à-dire en 2011, lors de la parution de son best-seller “Rien ne s’oppose à la nuit” : empreinte de lassitude, vidée par la promotion et le succès inattendu de ce livre très personnel, solitaire depuis le départ de ses jumeaux à l’université, l’auteur semble dans un état de fragilité inhabituel et se voit dans l’impossibilité d’écrire.

C’est dans ce contexte qu’apparaît le personnage de L., jeune femme rencontrée lors d’une soirée et qui va peu à peu s’immiscer dans sa vie jusqu’à devenir son interlocutrice privilégiée, lui prodiguant conseils et parfois semonces sur son écriture et l’avancée de son prochain livre. Cette relation amicale intime dérive insensiblement vers autre chose, qu’on ne saurait nommer et qui envahit insidieusement le récit, divisé en trois parties comme les trois phases de la relation (séduction, dépression, trahison).

Delphine de Vigan joue ici une partition très subtile, entre manipulation de ses personnages et de ses lecteurs : qui abuse qui ? L. a-t-elle vraiment existé, ou n’est-elle que la “petite voix” de l’inspiration qui souffle à l’auteur ce qu’elle doit écrire ? Avec ce roman à l’allure de thriller, l’auteur joue avec nos peurs et nos obsessions contemporaines avec brio ; on assiste au déroulement du récit en retenant son souffle, comme devant un numéro de funambule, car c’est bien elle-même que l’auteur met en danger. Bravo!

 

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L’enchanteur du quotidien

Résultat de recherche d'images pour "livre l'intensité secrète de la vie quotidienne"L’intensité secrète de la vie quotidienne, William Nicholson, Livre de poche, 8,10 euros

Tout le sel de ce roman est dans son titre! Si vous cherchez de l’action ou du suspense à tout crin, passez votre chemin, vous risquez de décrocher. Mais si vous aspirez à rencontrer des personnages qui vous ressemblent comme deux gouttes d’eau, à sonder les atermoiements de leurs âmes et à assister à la comédie sociale d’un petit village du Sussex pendant 8 jours, ce livre est fait pour vous.

William Nicholson nous avait déjà enchanté avec son livre “Quand vient le temps d’aimer”. Un seul bémol: les personnages étant plus nombreux, il est parfois plus difficile de s’y retrouver. Le personnage central est Laura, la quarantaine, archiviste, mariée à Henry avec qui elle a deux enfants et une existence assez paisible. Mais voilà que ressurgit Nick, son amour de jeunesse, bousculant son quotidien et ravivant certaines blessures anciennes. Autour de Laura gravitent une douzaine de personnages, dont Liz, mère célibataire, Alan, professeur et aspirant écrivain, le pasteur de la paroisse dont la foi s’est étiolée, un agriculteur au bout du rouleau face aux néo-ruraux envahissant le village, une vieille dame qui ne vit que pour son chien…La grande force du roman n’est pas ce qui s’y passe, mais bien la façon dont l’auteur sait être au plus près de ses personnages, de leurs sensations et réflexions intimes. Ainsi William Nicholson saisit la vie quotidienne dans son essence même, entre factures à payer et autres tuiles habituelles du quotidien, et les pensées secrètes tournoyant dans chaque cerveau solitaire.

Un roman dans lequel le quotidien prend toute son intensité, à la façon de certaines séries télé (Twin Peaks notamment), grâce au regard bienveillant de l’auteur. Un livre humain avant tout, dont on sort plus indulgent envers les petits travers de nos semblables…Chapeau, Mr.Nicholson!

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Vacances explosives en perspective

Résultat de recherche d'images pour "livre les vacanciers emma straub"Les vacanciers, Emma Straub, éditions Presses de la cité, 21 euros

Voici un premier roman pétillant et mordant, plus proche de la comédie sociale que de calmes vacances au long cours. Franny, quinquagénaire tonique, a organisé des vacances à Majorque pour fêter ses 35 ans de mariage avec son mari, Jim, ainsi que le diplôme de fin d’année de sa fille, Sylvia. Elle veut réunir sa famille (Sylvia, son frère Bobby et sa compagne, Carmen) et un couple d’amis homosexuels, Charles et Lawrence. Mais à la veille du départ, elle apprend que Jim a eu une relation extraconjugale avec une stagiaire… Qu’à cela ne tienne! La volontaire Franny maintient son programme de vacances contre vents et marées (et crise conjugale…) alors que les événements prennent une tournure inattendue…

A partir de ce canevas simple, Emma Straub trempe sa plume dans l’acide pour dépeindre ce groupe qui semble se déliter sous nos yeux : Sylvia ne pense qu’à perdre sa virginité avant l’entrée à la fac, Bobby n’assume pas son choix de couple et cache de périlleux secrets, Jim et Franny tâchent de sauver ce qu’il reste de leur couple, tandis que Charles et Lawrence attendent la réponse pour une éventuelle adoption qu’ils ont tenue cachée. Dissimulation, faux-semblants et sentiments exacerbés par ce huis-clos “paradisiaque”, telle est la recette concoctée par Emma Straub pour réjouir nos propres vacances et nous tendre un miroir… on l’espère déformant!

Laissez vous tenter par ce roman ironique et léger, une lecture de vacances oui, mais de qualité.

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Pour frissonner sous le soleil

Résultat de recherche d'images pour "la fille du train"La fille du train, Paula Hawkins, éditions Sonatine, 21 euros

Ce livre a quelque chose d’entêtant, de récurrent, qui nous prend peu à peu dans ses filets, à la manière de son élément central, ce train de banlieue qu’emprunte chaque jour Rachel, à 8h04 le matin et 17h56 l’après-midi. Chaque jour, assise au même endroit mais pas toujours dans les mêmes dispositions, elle observe une jolie maison en contrebas et le couple qui l’habite, inventant leur quotidien, échafaudant des scénarios… jusqu’au jour où elle aperçoit un autre homme à la fenêtre. Le couple qu’elle imaginait parfait se fissure alors, d’autant plus que dans les jours qui suivent, les journaux annoncent la mystérieuse disparition de la jeune femme.

A partir d’un personnage ordinaire (cette “fille du train” un brin voyeuse qui s’invente des histoires, cela pourrait être nous), Paula Hawkins construit une intrigue redoutable, cocktail détonant mêlant amours déçues, désir d’enfant, recherche d’une certaine norme ou d’un idéal inaccessible. Ce livre est déjà un classique du thriller : à la manière des policiers d’Agatha Christie, il interroge notre propre recherche de la norme et du bonheur standardisé, en mettant en scène une héroïne un peu déchue, un peu paumée, qui nous entraîne dans le brouillard de ses propres sensations jusqu’à un dénouement imprévisible.

Un coup de maître.

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Notre sélection de livres de poche pour l’été

Les Brumes de l'apparence (Babel)Les brumes de l’apparenceFrédérique Deghelt, collection Babel, 8.80 euros

Lorsqu’elle apprend par un notaire de province qu’elle a hérité d’un bout de terre perdu dans le centre de la France, Gabrielle, parisienne de 40 ans à la vie bien remplie, est bien décidée à s’en débarrasser au plus vite. Elle parcourt la France afin de rejoindre le lieu-dit en question et signer actes de propriété et de mise en vente dans les meilleurs délais.

Arrivée sur les lieux et accompagnée par l’agent immobilier du coin, Gabrielle découvre un lieu étrange, composé de ronces et d’arbres à l’abandon, où une maison délabrée se dresse, restée en l’état depuis des décennies. Jean-Pierre, l’agent immobilier, ne cache pas à Gabrielle que le bien sera très difficile à vendre car dans la région, toutes sortes de légendes circulent sur ce territoire mystérieux. La jeune femme est résolue à éclaircir le mystère qui entoure sa terre et à retrouver ses racines, en commençant par faire la connaissance de cette tante dont sa mère ne lui a jamais parlé, et qui habite toujours le village…

Crise de la quarantaine ou remise en cause plus profonde de son identité, le roman mène Gabrielle (et nous, lecteurs) sur des sentiers inattendus et vers des questions essentielles, celles du sens de la vie et de l’existence d’un au-delà. Un roman qui ressemble à un conte mystique et qui nous surprend, nous happe et nous pousse dans nos retranchements. A lire absolument!

CouvertureEn finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis, collection Points, 6.90 euros

Ce roman, à mi-chemin entre roman et récit autobiographique nous raconte l’enfance et l’adolescence d’Eddy, garçon différent et effeminé dans une famille pauvre de picardie. Le jeune garçon ressent confusément sa différence, mais c’est la violence du réel qui l’y confronte et qu’il subira jusqu’à ce qu’il quitte sa famille, s’extirpant de cette gangue de brutalité.

“En finir avec Eddy Bellegueule”, c’est d’abord cela : le récit brut d’un quotidien violent et excluant, imposé au narrateur comme au lecteur et contre lequel on ne peut rien. “En finir avec Eddy Bellegueule” aurait aussi pu s’appeler “en finir avec le déterminisme social” puisque le livre lui-même est la revanche d’un jeune garçon contre les mots qui l’ont identifié si longtemps, ces mots pauvres et insultants qui atteignent pourtant leur cible. Dire cette violence était certainement une question de survie pour l’auteur, et la dire de cette manière, avec les mots même de ceux qui l’ont fait souffrir.

Cependant, aucune plainte, aucun apitoiement sur soi-même dans ce texte cru qui relate le quotidien morne d’un certain milieu social un peu oublié des élites : la télévision allumée dans chaque pièce de la maison, le père qui dépense la paye en boisson et se bat,  les brimades au collège, les ivresses du week-end au foyer des jeunes…Edouard Louis ne juge pas mais constate, il décrit surtout ce qui a constitué son identité, de laquelle il veut désormais s’affranchir.

Un livre qui est un uppercut, un cri du coeur, à ne pas rater en format poche!

Résultat de recherche d'images pour "livre les liens du mariage poche"Les liens du mariage, J.Courtney Sullivan, collection Le Livre de Poche, 8,30 euros

Comme dans ses deux précédents romans, J.Courtney Sullivan mêle les destins de plusieurs personnages et nous offre un roman choral qui évoque irrésistiblement un bon film.

Ici le fil qui relie les personnages est plus ténu et ce mystère participe à la saveur du roman, qui s’étend sur des décennies (entre 1947 et 2012). De Frances, publicitaire du diamant dans les années 50 et célibataire endurcie, à Kate, jeune femme contemporaine fuyant le mariage comme la peste -alors qu’elle organise celui de son meilleur ami gay-, c’est à une analyse détaillée de la vie de couple, du mariage et de ses évolutions que nous convie l’auteur.

Etrangement, c’est le sentiment de solitude profonde des êtres qui ressort de ce roman sur le mariage et nous rend ses personnages si proches et attachants. On a, bien entendu, plus ou moins d’affinités avec tel ou tel personnage, mais la plume alerte, à la fois ironique et tendre (et bourrée de références) de l’auteur nous entraîne dans ce roman passionnant qu’on ne lâche plus. Un pavé en poche, à lire sur votre serviette de plage!

 

Résultat de recherche d'images pour "livre les mensonges perry pocket"Les mensonges, Karen Perry, collection Pocket, 7,70 euros

Harry est peintre et vit à Tanger avec sa femme Robin, architecte, et leur fils de 3 ans, Dillon. Leur bonheur vole en éclats lorsque celui-ci disparaît dans les décombres de leur maison lors d’un tremblement de terre…son corps ne sera jamais retrouvé. Anéanti, le couple retourne vivre en Irlande.

Cinq ans plus tard, Robin est à nouveau enceinte. Si Harry est rongé par la culpabilité (l’enfant était sous sa surveillance quand le drame s’est produit) et hanté par le visage de Dillon dont il dessine croquis sur croquis, l’espoir semble renaître et le couple est disposé à tirer un trait sur son passé. Jusqu’au jour où Harry croit apercevoir Dillon tenant la main d’une femme au milieu d’une manifestation à Dublin…Mirage ou réalité?

Les voix de Robin et Harry alternent pour nous décrire leurs versions des faits et c’est à une dissection de la vie de couple que l’on assiste, entre non-dits et secrets enfouis. De révélations en rebondissements, un bon thriller psychologique pour frissonner au soleil! Si vous avez aimé “Les Apparences”, n’hésitez pas!

Les Suprêmes de Edward Kelsey Moore, collectionBabel,  9,70 €.

OdetteClarice et Barbara Jean sont trois femmes noires américaines qui vivent àPlainview (sud de l’état de l’Indiana) une banlieue noire de Louisville. Elles se connaissent depuis les années 60, celles de leur jeunesse, elles sont depuis inséparables au point qu’on les surnomme “Les Suprêmes” en référence au groupe de Diana Ross dont on écoutait les tubes à la radio ces années là. Année après année elles ont fait leurs vies à un moment où on voit l’émergence d’une classe moyenne “de couleur” qui malgré l’accession à plus de confort n’en reste pas moins cantonnée au périmètre qui les a vu naître.

Le roman est une chronique douce-amère d’un quartier noir de cette petite ville du midwest. Le sud est loin, les grandes métropoles aussi. Pourtant les clivages restent les mêmes. Edward Kelsey MOORE se sert des clichés de la population noire comme pour mieux mettre en évidence ses singularités. Les hommes sont parfois infidèles, parfois brutaux quand les femmes doivent faire face avec leur détermination voire leur tempérament aux vicissitudes d’un quotidien tantôt chaleureux, tantôt difficile où se mêlent la religion, l’amour, la mort et par dessus tout l’amitié comme pour faire écran à ce qui ne se dévoile que progressivement comme pour en donner toute la mesure : la ségrégation, toile de fond de cette “sitcom” attachante mais qui apparait en filigrane plus grave qu’elle ne parait de prime abord.

Ce livre commence comme une comédie qu’on pourrait lire avec les tubes de laMotown en fond sonore et tourne progressivement au roman plus réaliste et plus rugueux et ce sont Aretha Franklin et OtisRedding qui sont alors convoqués pour la B.O. Loin des raccourcis manichéens sur le racisme il donne une vision nuancée d’une société qui tente d’effacer les tâches laissées par l’héritage de l’esclavage sans pour autant  parvenir à en chasser les fantômes d’un coté comme de l’autre. Un livre à placer dans le prolongement des “Beignets de tomates vertes“,” La couleur des sentiments” et des “12 tribus d’Hattie“.

Un roman profondément attachant à ne surtout pas rater. Comme le proclame le bandeau: “Les Suprêmes” : elles vont devenir vos meilleures amies. C’est vrai !

 

 

 

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Cet été, si vous ne devez en lire qu’un seul…

Résultat de recherche d'images pour "livre les intéressants"Les intéressants, Meg Wolitzer, éditions  Rue Fromentin, 23 euros

Lisez celui-ci! De Meg Wolitzer, on avait déjà apprécié le précédent roman, “La Position”, mais c’est dans Les Intéressants que sa voix prend toute son ampleur et se déploie admirablement sur plus de 500 pages. Elle nous raconte l’histoire d’un groupe de jeunes gens qui sympathisent à l’occasion d’un camps d’été nommé Spirit-in-the-woods, en 1972, et qui se baptisent eux -même “les intéressants”. Il y a là Goodman et sa soeur Ash, rejetons d’une famille huppée de New-York ; Jonah, beau garçon discret, fils de la chanteuse folk Susannah Bay ; Ethan Figman, ado au physique ingrat mais surdoué des films d’animation ; Cathy Kiplinger, qui rêve de devenir danseuse, et enfin Jules, la narratrice principale de ce roman, ado pleine d’esprit mais issue d’une famille modeste, qui se sent enfin exister au sein de ce groupe disparate.

Meg Wolitzer s’empare de son sujet et le possède si bien qu’on a hâte de suivre les destins de ses personnages ; d’une banale amitié adolescente perdurant tant bien que mal à l’âge adulte, elle fait une fresque sociale et humaine passionnante s’étendant sur plus de quarante ans. Contre toute attente, Ethan épousera Ash, avec qui il connaîtra succès et drames ; Jonah se détournera de la musique ; Goodman devra faire face à la justice. Quant à Jules, elle cherchera sa place pendant de longues années en essayant de retrouver le bonheur furtif connu à Spirit-in-the-woods…En filigrane du roman, l’auteur nous pose plusieurs questions : qu’est-ce qu’une vie réussie? Le talent, la richesse,sont-ils des gages de bonheur? Et qui peut décider si une vie vaut plus ou moins qu’une autre?

Toutes ces questions se bousculent pendant que nos personnages se débattent avec leurs problématiques personnelles qui nous rappellent tout naturellement les nôtres, grâce au regard empreint d’empathie de l’auteur. Un roman ambitieux et maîtrisé, porté par des personnages terriblement attachants dont on peine à se séparer quand se profile le mot “fin”… Une prouesse. A lire d’urgence !

 

 

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Des livres pour…

Daisy sisters - Henning MankellVibrer 

Avec les personnages féminins d’Henning Mankell dont nous partageons les émois et les épreuves. Elna et Vivi sont correspondantes depuis le primaire et partagent leurs joies et leurs peines dans les lettres qu’elles échangent. C’est à l’été 1941, à 17 ans, qu’elles se rencontrent enfin en organisant une escapade à vélo le long de la frontière avec la Norvège, alors occupée par les nazis. L’été de l’aventure et du bonheur, qui charrie tous leurs espoirs de jeunes filles…Mais le rêve tourne court lorsqu’Elna, violée, revient chez elle et se découvre enceinte.

Vingt ans plus tard, Eivor, la fille d’Elna, en conflit avec sa mère, s’enfuit de la maison avec un jeune délinquant. Les deux femmes parviendront-elles à nouer des relations sereines quand la fatalité semble s’acharner sur elles ?

Henning Mankell décrit admirablement les destins tourmentés de ces deux femmes aux prises avec les épreuves de la vie et pose la question de la responsabilité personnelle dans une société suédoise corsetée où il faut lutter pour se faire une place.

Daisy sisters, Henning Mankell, éditions Seuil, 22.50 euros

Se ressourcer

C’est un de ces romans qui n’en sont pas vraiment un : ni roman, ni biographie, ni récit, et en même temps tout cela à la fois, le texte de Rosa Montero possède ce feu que seuls renferment les grands textes. Un texte dans lequel on avance, comme à tâtons, vers l’ “idée ridicule de ne plus jamais te revoir”, qui est l’idée de la perte brutale d’un être cher et de son absence. A travers le personnage de Marie Curie et l’image presque incandescente de la scientifique au visage fermé qui vient de perdre son mari, c’est son propre deuil qu’aborde l’auteur avec beaucoup de pudeur et d’intelligence.

Ce texte, qui devait n’être qu’une préface, devient un récit tissé de réflexions lumineuses et étonnantes sur la vie et les relations humaines, avec des thèmes récurrents qui le jalonnent tels des repères : l’ambition féminine dans une société patriarcale, les injonctions morales culpabilisantes (“#faire ce qu’il faut”) , la force qu’il fallut à Marie Curie pour dépasser tout cela, ainsi que la personnalité de Marie elle-même, le feu couvant sous la glace. Tout cela modèle un récit singulier, ouvert et multiple, qui nous fait réfléchir et nous renvoie à nos propres souffrances.

Un seul bémol à mon goût : les hashtags envahissant le texte qui, s’ils participent de sa singularité, peuvent aussi gêner le déroulement de la lecture.

 L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir, Rosa Montero, éditions Métailié, 17 euros

Téléchargez le livre :  Le Secret du mariSe détendre

Ce n’est peut-être pas un hasard si la couverture de ce livre nous rappelle la série “Desperate Housewives” : mêmes pelouses impeccables, mêmes personnages un poil stéréotypés : Cecilia, meilleure vendeuse Tupperware devant l’éternel, toujours sous contrôle, Tess, mère quadragénaire en pleine crise sentimentale (son mari est tombé amoureux de sa cousine) et Rachel, grand-mère que la vie n’a pas épargné et qui se désole de voir son petit-fils s’envoler bientôt pour New York.

Avec ces personnages qui nous semblent déjà familiers et à partir d’un canevas de base assez simple, (Cecilia trouve dans le grenier une lettre de son mari portant la mention ” A n’ouvrir qu’après ma mort”), Liane Moriarty développe une intrigue redoutablement efficace, qui nous accroche et nous tient en haleine -malgré les réserves de départ . Au fil des événements, ses personnages se révèlent plus subtils qu’il n’y paraît, un peu à l’étroit et englués dans leur propre peau mais terriblement humains. Les rebondissements ne manquent pas jusqu’au dénouement qui se joue de nos certitudes.

Une lecture parfaite pour les vacances, à lire sur votre serviette!

Le secret du mari, Liane Moriarty, Albin Michel, 21.50 euros

 

 

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Succombez au roman le plus british du printemps!

william nicholsonQuand vient le temps d’aimer, William Nicholson, éditions de Fallois, 22 euros

En ce mois de décembre 2008, plusieurs habitants du petit village d’Edenfield (Angleterre) semblent succomber à un étrange philtre d’amour : Belinda, quinquagénaire qui envisage de tromper son mari, découvre l’infidélité de celui-ci ; sa fille Chloé, elle, veut aider son amie Alice à séduire le jeune Jack, mais c’est Chloé qui enflamme le coeur de celui-ci, alors qu’elle lui préfère un homme plus mûr. Ajoutons à ces personnages la figure d’un jeune artiste en vogue, celle d’un vieil artiste oublié et malheureux, ainsi qu’un plombier violoniste et nous obtenons la recette d’un roman parfaitement anglais.

Amours déçues, trahisons, retrouvailles, c’est donc au jeu du chat et de la souris que s’adonnent ces personnages, pour notre plus grand bonheur. En effet, William Nicholson sait mêler situations équivoques et interrogations existentielles, manier l’ironie comme décrire les tourments intérieurs de ses personnages, qui se découvrent devant nous au fur et à mesure que l’intrigue progresse et se révèlent parfois à eux-mêmes. Un roman maîtrisé et jubilatoire qui, sur le thème ressassé de l’adultère, nous offre des réflexions nouvelles et rafraîchissantes à travers des personnages si justes qu’ils nous semblent humains. Un délice british, à consommer sans modération!

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Roman noir et résilience

Les corps inutiles, Delphine Bertholon, éditions J.C Lattès, 19 euros

C’est peu de dire que Delphine Bertholon ne fait pas dans les bons sentiments : son roman est noir, baignant dans une ambiance glauque, peuplé de personnages fragiles et désabusés. Pourtant, une lueur d’espoir subsiste au sein de ce chaos, car l’auteur a su échapper aux clichés et rendre attachants ses personnages, dont les failles et les faiblesses sonnent juste.

Clémence a 15 ans et se rend à une fête pour la fin de l’année scolaire. Dans une ruelle, un homme l’agresse ; rien ne sera plus jamais pareil…On retrouve Clémence à 30 ans, installée dans le sud, maquilleuse à “La Clinique”, une usine qui fabrique des poupées grandeur nature pour adultes frustrés et fortunés. Solitaire, la jeune femme a perdu le contact avec ses propres émotions ; tous les 29 de chaque mois, elle célèbre un sinistre anniversaire en séduisant un inconnu.

Delphine Bertholon aborde un sujet difficile d’une façon subtile et montre comment une agression peut  influencer la construction d’une identité et dénaturer le rapport aux autres ; elle montre comment une jeune fille peut se mettre en danger lorsqu’elle a subi une violence et comme le chemin est long pour se réapproprier son corps et ses émotions. Toujours crue et sans ambages, sans jamais tomber dans la mièvrerie ou les poncifs, l’auteur nous livre une réflexion sur la violence et l’intime, ou comment se reconstruire après une blessure originelle, comment faire confiance à nouveau.

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Le pavé de l’hiver qui nous tient chaud…

Nous ne sommes pas nous-mêmes par ThomasNous ne sommes pas nous-mêmes, Matthew Thomas, éditions Belfond, 23 euros

On n’oubliera pas de sitôt Eileen Tumulty, héroïne portant bien son nom, “tourmentée” par le désir de se dépasser et d’accéder à un mode de vie correspondant à ses attentes. Elevée dans le Queens de l’après-guerre par un père rouleur de mécaniques et une mère désabusée et bientôt alcoolique, Eileen se jure dès l’enfance de vivre selon ses propres rêves.

Elle s’accroche, suit des études d’infirmière, rencontre son futur mari, Ed, jeune étudiant en sciences qui deviendra professeur et avec qui elle aura un fils, Connell. Désireuse d’échapper à sa condition, elle entraîne ses proches dans cette course à la perfection : trouver la maison de ses rêves, mettre son fils dans les meilleures écoles, soutenir son mari dans l’évolution de sa carrière…celui-ci n’adhère pas forcément à l’ambition forcenée de sa femme et bientôt les événements prennent un tour inattendu.

“Nous ne sommes pas nous-mêmes” est un roman dense et magistral, qui est autant une chronique sociale de l’Amérique sur plus de cinquante ans qu’un roman de l’intime puisqu’il nous jette au coeur du ressenti des trois membres de la famille, Eileen, Ed et Connell, dans lequel l’amour conjugal et filial est au premier plan. Plus qu’un roman sur l’ambition sociale, dans la veine de Richard Yates (ce qu’il est, indéniablement), c’est d’abord un roman qui explore la distance entre nos rêves et la vie réelle, et dans cette distance, la force que peuvent prendre les sentiments les plus simples face à l’épreuve.

Tout en subtilité et en nuances, Matthew Thomas décrit avec sensibilité  toutes ces émotions qui nous échappent, comme l’exprime Ed : “On ressent parfois des choses inexplicables (…) Tu auras beau essayer de les décrire, tu sais que les autres ne saisiront jamais”. Un moment de grâce.

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